Techniques de fabrication des plans-reliefs

Jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, les plans-reliefs étaient réalisés au sein même des localités représentées, par des ingénieurs militaires travaillant aussi bien à l’édification des fortifications des places fortes françaises qu’à la confection de maquettes des même sites. Chacun utilisait une méthode de fabrication qui lui était propre ; il en résultait une grande variété des formes, des échelles et des techniques de construction. Outre la différence de qualité des matériaux utilisés, les premiers plans-reliefs, construits rapidement, étaient souvent inexacts, les formes et représentations urbaines étant souvent simplifiées.

Ingénieurs en train de construire un plan-relief. Gravure extraite de Alain Manesson Mallet, les Travaux de Mars ou l’art de la guerre, tome premier, Paris, 1684, chapitre IX. © Paris, Musée des Plans-reliefs
Ingénieurs en train de construire un plan-relief. Gravure extraite de Alain Manesson Mallet, les Travaux de Mars ou l’art de la guerre, tome premier, Paris, 1684, chapitre IX.
© Paris, Musée des Plans-reliefs

L’adoption de l’échelle unique d’un pied pour cent toises (environ 1/600) pour la représentation des places fortes du royaume ne devient effective qu’à partir des années 1680. On eut cependant recours à une échelle plus détaillée pour la réalisation des sites moins étendus comme les forts isolés (1/95 pour le château d’If ou 1/183 pour le fort  Saint-Nicolas de Marseille) ou les plans reliefs commémoratifs (1/411 pour Montmélian).

Ouvriers de la galerie des plans-relief au début du XXe siècle © Paris, Musée des Plans-reliefs
Ouvriers de la galerie des plans-relief au début du XXe siècle
© Paris, Musée des Plans-reliefs

En 1743 furent créés deux ateliers entièrement consacrés à la construction des plans-reliefs, l’un à Béthune et l’autre à Lille. Ces deux établissements furent réunis au Louvre en 1756, puis installés dans les combles des Invalides à partir de 1777, en même temps que la collection. Cette centralisation contribua largement au perfectionnement des techniques de fabrication des maquettes. Des générations d’ingénieurs recherchèrent les matériaux les mieux adaptés à la pérennité des plans-reliefs mais aussi à la représentation la plus réaliste des paysages et architectures. Puis, au XIXe siècle, l’adoption de la méthode de levés de terrains par courbes de niveau horizontales par les artistes topographes de la galerie favorisa la représentation plus fidèle des reliefs des paysages, particulièrement dans les sites de montagne jusque-là exécutés de manière approximative. L’art du relief atteignit ainsi un degré de précision élevé. Ce sont les techniques de construction alors en vigueur que nous connaissons le mieux aujourd’hui.

Extrait des cahiers de développement du plan-relief de Toulon. © Paris, Musée des Plans-reliefs
Extrait des cahiers de développement du plan-relief de Toulon.
© Paris, Musée des Plans-reliefs

Les plans-reliefs étaient construits sous la direction d’ingénieurs-géographes, assistés d’élèves topographes et de menuisiers modeleurs, sur la base de relevés précis, en plan et en élévation, nécessaires à la représentation de la place et de ses environs ; toute information renseignant l’architecture, la topographie et le paysage était ainsi consciencieusement notée. Des aquarelles étaient réalisées afin de rendre compte de la couleur des lieux.

Aquarelle du Fort de Joux (Doubs). © Paris, Musée des Plans-reliefs
Aquarelle du Fort de Joux (Doubs).
© Paris, Musée des Plans-reliefs

En raison de leur grande taille, les plans-reliefs ne pouvaient être réalisés en une seule pièce. Ils étaient constitués de plusieurs tables de bois. A partir des levés exécutés, un plan du site était dressé au 1/600, servant de patron pour la réalisation de ces tables. Leur format était calculé de manière à ce que les artistes puissent en atteindre le centre sans être gênés dans leur travail. Ces panneaux, sortes de caisses, étaient constitués dans leur partie supérieure, d’un assemblage de lames de bois de différentes épaisseurs, retaillées afin de restituer les accidents du relief. Du carton mâché était utilisé en finition pour la réalisation des détails du modelé du terrain.

Plan-relief de Bergues démonté. © Paris, Musée des Plans-reliefs
Plan-relief de Bergues démonté.
© Paris, Musée des Plans-reliefs

La décoration de la surface du sol était obtenue par le saupoudrage de sable fin sur un lit de colle. Une pulvérisation de soies teintées et finement hachées représentait les champs, prairies et espaces verts. Les arbres étaient réalisés au moyen de fines chenilles de soie entrelacées avec un fil de laiton. Les eaux étaient figurées à la peinture à l’huile. Les différents éléments d’architecture des villes, villages ou hameaux sont constitués de petits blocs de tilleul taillés et habillés de papiers gravés ou peints, imitant la texture des différents matériaux de construction. Les ouvertures étaient découpées à l’emporte-pièce et rapportées, comme les cheminées ou les fenêtres. Les tables étaient ensuite assemblées entre elles, à la manière d’un puzzle, au moyen d’un ensemble de barres jointes par tenons et mortaises, et reposaient sur un piétement de bois, spécialement conçu pour chaque maquette. Afin que les raccords entre les différentes pièces ne soient pas trop visibles, leurs contours épousaient les lignes des éléments paysagers représentés, routes, cours d’eau ou limites de champs.